Le vieux couple
Publié sous le label Polydor en 1972, Le Vieux Couple est l’un de ces disques qui révèle pleinement le sens du propos et la puissance expressive de Serge Reggiani. Fidèle à son art, Reggiani y privilégie l’intime, offrant un répertoire délicat, parfois introspectif, toujours habité.
Chansons
Les cinq premières chansons — Le Vieux Couple, Hôtel des voyageurs, La maison qui n'existe plus, Le grand couteau, et Contre vents et marées — forment un enchaînement remarquable, où le spectre émotionnel s’élargit du récit familial à la fuite, du souvenir à la confrontation avec le temps.
Le Vieux Couple relate avec une tendresse douloureuse l’usure d’un amour, l’ombre des gestes quotidiens, le poids des années et la tendresse qui persiste — un petit théâtre intérieur, magnifié par l’interprétation sobre et prenante de Reggiani.
Hôtel des voyageurs peint un instantané de transition, de vie en suspens, évoquant les départs, les retrouvailles, l’incertitude des chemins.
La maison qui n’existe plus déploit la mélancolie du lieu disparu, du foyer défunt, métaphore de la mémoire et de l’absence durable.
Le grand couteau et Contre vents et marées prolongent cette tonalité : le premier avec un poids narratif, presque tragique, le second avec une lutte résignée, irrésistible, contre les forces qui nous dépassent — portés par la voix grave, vraie, de Reggiani.
Album
Au-delà des cinq premiers titres, l’album explore d'autres paysages émotionnels (citons notamment Le pont Mirabeau, Les mensonges d’un père à son fils, Mathusalem, C’est comme quand la mer se retire, Dans le miroir, etc.). On y retrouve la profondeur poétique, la densité du verbe, la mise en lumière de questions universelles — le temps, l’amour, le regret, le mensonge, la mémoire. Les arrangements sont épurés mais toujours efficaces : guitares, cordes discrètes, parfois piano, donnant un écrin sobre à des textes écrits pour percuter. L’articulation de chaque mot, le phrasé vibrant de Reggiani donnent à l’ensemble sa cohérence émotionnelle et stylistique.
Interprète
La force de Le Vieux Couple tient moins aux mélodies qu’à l’interprétation — et plus précisément à la vérité. À chaque chanson, on entend un homme qui a vécu, qui porte les lignes du temps. Les textes, signés par des auteurs comme Jean‑Loup Dabadie (Le Vieux Couple, Hôtel des voyageurs, Le grand couteau) ou Jean‑Drejac & Michel Legrand (Contre vents et marées), trouvent en Reggiani un passeur idéal, à la diction minutieuse et au souffle intérieur puissant.
Le Vieux Couple n’est pas un album flamboyant, mais une gravure intime, une confession partagée. Il ne cède jamais à l’outrance, toujours à la nuance. Il nous donne à entendre, avec pudeur et profondeur, le frémissement des émotions les plus simples, les plus éternelles. Revisiter cet album aujourd’hui, c’est se laisser toucher par l’humanité fragile et vive de Reggiani. C’est se rappeler que le vrai art, parfois, se trouve dans la retenue — dans ce que l’on fait dire par un simple regard vocal.
Favorites
Hotel des voyageurs
Le grand couteau
Le pont Mirabeau