Misplaced Chillhood

Misplaced Childhood est un moment clé, non seulement dans l’histoire de Marillion, mais aussi dans l’histoire du rock des années 80. Cet album est bien plus qu’un disque : c’est un récit initiatique, une confession mise en musique, une œuvre qui a touché un public bien au-delà du cercle du rock progressif.

A L’origine

Fish a raconté que l’idée de Misplaced Childhood lui est venue après une nuit d’expérience psychédélique. Il a eu une vision – ou un éclair de lucidité – sur les blessures de son enfance, les amours perdues, la célébrité, la chute, la solitude. Le tout sous la forme d’un concept fluide, comme un film ou un poème. Il s’est réveillé avec la conviction qu’il fallait tout dire en une seule suite musicale. Le groupe accepte de le suivre dans cette ambition : faire un album sans pause, une suite continue, avec un début, un milieu et une fin – comme une vie condensée.

De quoi parle-t-il ?

Misplaced Childhood raconte la perte de l’innocence, dans une époque marquée par le cynisme, les excès, et la célébrité.

On y entend le deuil de l’enfance (le divorce, la mort du père, les rêves qui s’effacent), les amours fracassés, notamment une rupture douloureuse qui hante Fish (et inspire "Kayleigh"), le désenchantement de la vie adulte, quand les illusions tombent, et enfin, une forme d’acceptation : on ne peut pas récupérer l’enfance, mais on peut cesser de fuir et aller de l’avant. C’est un album personnel, mais dans lequel beaucoup se sont reconnus. Il ne parle pas seulement de Fish : il parle de chacun de nous, de cette transition floue entre la magie de l’enfance et le vertige de l’âge adulte.

Misplaced Childhood n’a aucune rupture. Les morceaux s’enchaînent, les thèmes musicaux reviennent en écho, parfois discrètement, parfois de manière éclatante. Ce n’est pas un enchaînement de chansons, mais une narration musicale continue, un peu comme The Wall de Pink Floyd, mais plus court, plus dense.

"Kayleigh", le paradoxe du succès

"Kayleigh", l’un des singles tirés de l’album, devient un énorme succès. Ironiquement, c’est une chanson douce, triste, sincère, sur un amour perdu… qui va propulser le groupe dans la lumière, presque à contre-sens de son propos. Ce succès met le groupe dans une position difficile : trop pop pour les puristes du prog, trop profond pour la pop radio. Mais Marillion s’en moque : ils ont fait l’album qu’ils voulaient.

Misplaced Childhood marque aussi l’apogée de la période Fish. Tout est là : la poésie, l’émotion, le drame, la mise en scène. Mais cette intensité a un prix. Les tensions internes vont s’accroître, et deux ans plus tard, Fish quittera le groupe.

On peut dire que Misplaced Childhood est à la fois le sommet et le point de rupture. Après avoir revisité ses blessures, Fish n’avait peut-être plus rien à dire dans ce cadre. Ou peut-être avait-il trop dit.

Favorites

  • Bitter suite : brief encounter/Lost weekend/Blues angel/Misplaced rendez-vous/Windswept thumb

  • Waterhole (Expresso Bongo)


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