Blues is Alive !

Cette liste déroule une véritable cartographie du blues moderne et de ses racines, en privilégiant la scène, là où cette musique respire, transpire et s’élève. Dès les premières mesures, Junior Wells installe le climat : un grondement primal, très Chicago, où l’harmonica ouvre la porte à une série de performances tendues, vibrantes, habitées. Le ton est donné : ici, le blues n’est pas une archive, mais un organisme vivant.

La présence d’Albert King, capté en 1968 au Fillmore Auditorium, constitue l’un des axes majeurs du parcours. Blues Power et Blues at Sunrise — dans leur restauration récente — rappellent à quel point King savait suspendre le temps avec une seule note, tordre une émotion jusqu’à la rupture, imposer une tension dramatique sans jamais forcer le geste. Sa manière d’ouvrir l’espace pour laisser respirer chaque phrase demeure exemplaire, presque pédagogique : le blues comme architecture, ample et généreuse.

Bryan Lee, en concerts, apporte une autre couleur : plus urbaine, plus directe, plus granuleuse. Sa voix, chargée de vécu, donne à Rich Man’s Woman ou The Things That I Used to Do une profondeur immédiate. On sent un musicien qui ne raconte jamais d’histoires : il témoigne. Ses prestations en public révèlent ce mélange unique de précision guitaristique et d’abandon instinctif, qui en fait l’un des performers les plus authentiques de sa génération.

Puis surgit la foudre : Stevie Ray Vaughan, accompagné par Double Trouble, à Montreux. Les captations de 1982 et 1985 sont toujours stupéfiantes de fraîcheur. Texas Flood, Dirty Pool, Tin Pan Alley : autant de moments où SRV recrée le blues texan à son image, avec une intensité presque surnaturelle. Son jeu est un torrent, mais un torrent parfaitement contrôlé, nourri par une énergie intérieure qui ne faiblit jamais. C’est l’incandescence pure.

Le parcours trouve ensuite une profondeur historique essentielle grâce à Big Mama Thornton. Ses versions remasterisées de Rock Me Baby, Summertime ou Hound Dog rappellent l’évidence : sans elle, sans sa puissance vocale mêlée de rugosité et de noblesse, une grande partie du blues électrique n’aurait jamais pris forme. Elle ne chante pas, elle affirme — et cette affirmation structure tout ce qui suit.

Koko Taylor prolonge cette lignée avec une force brute, imparable. I Got What It Takes montre une femme qui ne s’excuse de rien, qui impose un blues conquérant, vibrant, indomptable. À travers elle, le blues redevient ce qu’il a toujours été : un espace de résistance autant que d’expression.

Les contributions de John Hammond, Buddy Guy et Guitar Pete enrichissent encore l’ensemble d’une dimension vagabonde : un blues des routes, des clubs, des nuits qui n’en finissent pas. Tout y est plus âpre, plus spontané, plus physique. Enfin, la rencontre entre Bryan Lee, Kenny Wayne Shepherd et Frank Marino autour de Key to the Highway clôt le parcours comme un clin d’œil générationnel : la transmission continue, le feu circule.

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