Down Home Blues
Aux sources du blues
Terres originelles du blues, là où la musique une nécessité vitale. Cette Playlist rassemble des figures tutélaires comme Son House, Robert Johnson, Arthur "Big Boy" Crudup, et des témoins précieux comme J.B. Lenoir ou Carey & Lurrie Bell. Ce sont des hommes qui ont chanté le monde tel qu’il était : dur, mystique, injuste et désespéré.
Son House (1902–1988), pasteur devenu bluesman, tiraillé entre spiritualité et tentation. Death Letter et John the Revelator sont deux sommets de blues sanctifié, où la guitare slide hurle autant que la voix. Dans Forever on My Mind, enregistré tardivement, il murmure encore avec une intensité intacte, comme un dernier souffle avant le silence.
Robert Johnson (1911–1938), figure mythique morte à 27 ans, représente à lui seul la légende noire du blues. En quelques enregistrements captés en 1936–37 à San Antonio et Dallas, il a laissé une empreinte éternelle. Sweet Home Chicago, Come On In My Kitchen, Dust My Broom : chaque morceau semble hanté par le vent du Sud et par des présences invisibles, entre pactes diaboliques et chemins sans retour.
Arthur “Big Boy” Crudup, souvent considéré comme un des pères du rock (Elvis Presley reprendra That’s All Right), incarne la transition du country blues vers le blues électrique naissant. Ses morceaux respirent encore le bois et la tôle des juke joints du Mississippi, mais avec un timbre qui préfigure l’explosion à venir du rhythm & blues.
J.B. Lenoir, avec God’s Word, injecte dans le blues un message politique et spirituel rare. À la différence d’autres musiciens de sa génération, il n’hésite pas à évoquer frontalement les injustices sociales, les violences raciales, ou la guerre du Vietnam dans ses textes.
Carey et Lurrie Bell, père et fils, apportent à cette sélection un son plus contemporain (années 80–90), mais profondément enraciné. Harmonica, guitare et voix dialoguent avec intensité dans Rock Me ou Five Long Years, prolongeant l’héritage sans le trahir.
Rosalie Hill enfin, recueillie dans les années 50 par Alan Lomax, rappelle le rôle fondamental des collectes ethnomusicologiques dans la préservation de cette mémoire sonore. Rolled and Tumbled est plus qu’une chanson : c’est une trace, un fragment de vie transmis au-delà des siècles.
Chaque morceau est une archive vivante jouée par des hommes et des femmes, souvent oubliés, qui ont chanté ce qu’ils ne pouvaient plus garder en eux : la foi, la solitude, l’injustice, l’amour, la route et la mort.