Elisabeth 1er
Un sommet de virtuosité au piano, un jeu de tension, de poésie au feu contenu. La playlist est brève mais vertigineuse, formée de pièces parmi les plus exigeantes et expressives du répertoire romantique et moderne pour piano.
Liszt – Chasse-Neige & Mazeppa, par Trifonov : ce sont deux paysages contrastés. “Chasse-Neige” est un murmure glacé, une blancheur obstinée, hypnotique, lente mais impitoyable. “Mazeppa” au contraire est une cavale furieuse, un morceau d’endurance, de théâtre épique — une métaphore de la chute et de la résurrection.
Chopin – Études Op. 25 nos. 10 & 11 ("Winter Wind"), par Pollini, Perlemuter : ces œuvres sont devenues emblématiques non parce qu’elles sont difficiles, mais parce qu’elles disent quelque chose d’essentiel. “Winter Wind” est un souffle tragique, une tempête où l’âme cherche un point d’ancrage.
Ligeti – L'escalier du diable, par Aimard : l’un des sommets de l’écriture contemporaine pour piano. Une spirale sans fin, une montée absurde, mécanique, claustrophobe et fascinante. C’est Kafka en musique, ou un Escher sonore.
Balakirev – Islamay, par Etsuko Hirose : considéré comme l’un des morceaux les plus redoutables du répertoire, il incarne le démon du pianiste. Mais Hirose en donne une version brûlante et claire, pleine d’énergie orientalisante et de précision féline.
Poésie romantique
Dans cette tempête, Schumann et Zimerman viennent poser des instants de mélancolie chantée :
La Ballade n°1 de Chopin par Zimerman est un récit intérieur, une montée émotionnelle d’une tension bouleversante.
Les Fantasiestücke Op. 12 de Schumann, jouées par Richter, sont des poèmes en clair-obscur, entre rêve et vertige.
“Des Abends” : la lumière tombante,
“Aufschwung” : l’élan du désir,
“Warum?” : la question suspendue
Liszt, descente aux enfers
"Après une lecture du Dante" de Franz Liszt, également appelée Sonate de Dante, est une pièce monumentale entre l’extase et l’effroi, la démesure romantique et la transcendance pianistique. Ce morceau est un monde en soi, une sonate libre inspirée par La Divine Comédie de Dante. Liszt y déploie toute sa puissance visionnaire et son lyrisme infernal. C’est une œuvre qui met le piano en transe, avec une expressivité prophétique, tourmentée, dramatique.
Trois temps spirituels :
L’Enfer : la première partie est une descente. Les tritons (diabolus in musica), les octaves fracassants, les basses grondantes créent une terreur musicale pure. C’est l’angoisse métaphysique, rendue palpable.
La Prière : au cœur de cette noirceur surgit un thème d’une tendresse irréelle, une mélodie fragile et verticale qui ouvre un espace de lumière — une tentative de rédemption.
La Transcendance : la fin n’est ni paix ni résolution, mais élan mystique. On quitte l’Enfer non pour le Paradis, mais pour un entre-deux tendu, sublime et incertain.
"Après une lecture du Dante" n’est pas un simple défi pianistique — c’est un récit existentiel. Comme Mazeppa, Islamay ou L’escalier du diable, elle parle de l’âme mise à l’épreuve, de la tension entre la chute et l’élévation, entre l’absolu spirituel et le vertige humain.