La dernière liste

Cette playlists relève d’une voyage funèbre, de la procession lente, de la traversée méditative où chaque pièce se tient dans la gravité et le recueillement.

Adagio

Dès l’ouverture avec l’Adagio en sol mineur attribué à Albinoni (mais en réalité reconstruit par Remo Giazotto), Karajan et les Berliner Philharmoniker installent un ton solennel et suspendu. Les cordes, amples et douloureuses, ouvrent la porte d’un univers où le temps se dilate. La transition vers l’Adagio for Strings de Samuel Barber, dans la version live de l’Orchestre symphonique de Gwangju dirigé par Seokwon Hong, prolonge cette émotion pure, presque insoutenable, où la tension harmonique semble éternellement retardée.

Marche funèbre

Le Marche funèbre de la Sonate n° 2 de Chopin, sous les doigts de Simon Trpčeski, ancre la playlist dans un deuil plus intime, où la pulsation lente se charge d’humanité. Schubert, avec l’Ave Maria porté par la voix de Barbara Hendricks, apporte ensuite un réconfort lumineux, comme une prière glissant au-dessus des douleurs terrestres.

Les pièces de Beethoven, Für Elise et l’Adagio sostenuto de la Sonate au Clair de Lune, se présentent ici dépouillées de toute virtuosité ostentatoire : elles deviennent des confidences au bord de la nuit. Puis Mahler, dans le troisième mouvement de sa Première Symphonie dirigée par Leonard Bernstein, introduit une ironie funèbre, avec son célèbre thème de « Frère Jacques » transfiguré en marche lente et mordante.

Ave Maria

La seconde moitié de la playlist s’oriente vers une spiritualité plus assumée : l’Ave Maria de Gounod revisité par Mari Samuelsen et Julien Quentin déploie ses arches mélodiques sur un socle bachien d’une clarté presque immatérielle. Vient alors le point d’ombre absolu : l’orgue et la voix d’Anna von Hausswolff dans Epitaph of Theodor, morceau qui semble dialoguer avec l’au-delà.

Requiem

Mozart clôt le cycle classique avec le Requiem et la Maurerische Trauermusik, deux œuvres où la mort se pare de majesté rituelle. Enfin, Zbigniew Preisner et son Funeral Music pour Van den Budenmayer font basculer le tout dans un cinéma imaginaire, mélange d’histoire et de mélancolie suspendue.

On pourrait dire que cette sélection est une méditation sur l’art funèbre en musique. Elle ne se contente pas d’aligner les adagios célèbres, elle tisse un fil narratif allant du chagrin pur à une forme de paix lumineuse, en passant par l’ironie et l’étrangeté. C’est une playlist à écouter sans hâte, comme on feuillette un album photo jauni, où chaque image a le poids du souvenir et la grâce de l’instant sauvé.

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