Naft

NAFT est l’un de ces groupes qui réinventent l’électro-jazz en lui rendant le souffle de l’improvisation. Formé en Belgique, le trio — Louis Favre (claviers), Simon Delecluse (batterie) et Victor Merchier (saxophone) — s’est imposé comme une révélation de la nouvelle scène hybride où se croisent groove électronique, jazz contemporain et pulsations club. Le nom du groupe, court et percutant, reflète bien leur identité : une musique brute, dense, qui se répand et s’embrase.

Ce qui distingue NAFT dès les premières mesures, c’est la manière dont ils brouillent les frontières entre organicité et programmation. Le groupe ne se contente pas d’ajouter des beats électroniques à une base jazz : il intègre les réflexes du live à la logique de la musique électronique, créant un espace mouvant, en constante mutation, où les textures synthétiques respirent et où les instruments acoustiques se transforment en vecteurs rythmiques. Le saxophone, tantôt lyrique, tantôt presque mécanisé par les effets, devient une voix conductrice qui traverse des paysages sonores à la fois nocturnes, urbains et énergiques.

Sur scène, NAFT est une machine redoutable. Le trio emmène son public dans un flux continu, proche du DJ set, tout en conservant la spontanéité du jazz. Chaque performance devient un laboratoire : les patterns électroniques sont modulés en direct, les improvisations s’étirent ou se resserrent selon l’énergie de la salle, et la rythmique, très précise, ancre l’ensemble dans un groove irrésistible. Leur réputation live s’est construite très vite dans les clubs et les festivals, où leur musique trouve un terrain naturel — immersive, pulsée, chaleureuse.

Musicalement, NAFT s’inscrit dans une filiation assumée : le jazz électronique britannique (The Comet Is Coming, GoGo Penguin), certaines inspirations françaises (Kokoroko, Laurent Bardainne), et la culture des musiques électroniques des années 2010-2020 (future garage, broken beat, techno mélodique). Mais le trio développe une voix personnelle, plus brute, moins lissée, dans laquelle le grain instrumental compte autant que la structure des morceaux. Les nappes de synthés épaisses, les batteries abrasives, les motifs répétitifs et hypnotiques rappellent que NAFT cherche avant tout l’impact sensoriel, bien plus que l’esthétisme poli.

Leur premier EP et leurs singles récents témoignent de cette maturité précoce : une production soignée, mais toujours orientée vers la scène ; des compositions qui privilégient la tension, la montée, le lâcher-prise ; une identité visuelle minimaliste mais immédiatement reconnaissable. Cette cohérence artistique leur a permis de devenir, en quelques années, l’un des groupes belges les plus suivis dans le renouveau électro-jazz européen.

Naft représente aujourd’hui une tendance forte : une génération de musiciens qui n’opposent plus club et improvisation, machines et souffle acoustique, écriture et expérimentation. Leur musique parle autant aux amateurs de jazz moderne qu’aux publics habitués aux soirées électroniques — un pont rare et précieux. Avec son énergie débridée, son sens des atmosphères et son goût pour l’exploration, NAFT s’impose comme un trio à suivre de très près : ambitieux, inventif, et déjà solidement ancré dans le paysage électro-jazz contemporain.

 

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