Sheherazaad
Sheherazaad est une compositrice et vocaliste américano-indienne. Elle a grandi dans le Bay Area, en Californie, dans une famille profondément artistique. Ses parents faisaient partie d’un groupe de reprises Bollywood, et sa grand-mère maternelle était l’une des premières productrices de concerts classiques indiens sur la côte Ouest des États-Unis. Ce foyer imprégné de musique l’a exposée dès l’enfance à des légendes comme Lata Mangeshkar ou R.D. Burman, tout en pratiquant le jazz et le répertoire du American Songbook dès l’âge de six ans. Adolescente, elle a ressenti une aliénation vis-à-vis de l’anglais et du répertoire occidental, tout particulièrement après avoir suivi une scolarité en Inde et dû jongler entre différentes identités culturelles. Elle décide alors d’interrompre totalement le chant pour se redéfinir. Après avoir découvert des mouvements comme la British Asian underground (Talvin Singh, Nitin Sawhney…) pendant ses études à New York, elle s’est tournée vers l’exploration de ses racines : langues hindie, ourdou, arabe, ainsi que vers la musique classique hindoustani avec le soutien du maître Madhuvanti Bhide. Elle a aussi pratiqué le théâtre expérimental et la danse Bollywood .
Qasr - Album EP
Qasr est un Ep de 5 titre de Sheherazaad, le nom signifie “château” ou “forteresse” en ourdou/ourdou, et s’inscrit dans une géographie psychologique : chaque morceau est comme une pièce d’un château mental, un espace clos de réflexions et de récits. Il fait suite à Khwaabistan (« terre de rêves »), premier projet auto-produit, qui créait un nouveau monde sonore né de l’entre-deux diasporique. Le projet a été produit par la lauréate d’un Grammy, Arooj Aftab, à distance pendant la pandémie, puis concrétisé dans le studio Glass Wall de Brooklyn. Le casting est international, avec des musicien·nes venant d’Égypte, du Liban, de Palestine et d’ailleurs .
Thématiques
L’album s’articule autour de thèmes lourds comme le deuil, la fragmentation familiale, la polarisation raciale aux États-Unis, l’aliénation diasporique et la lutte pour réapproprier une voix culturelle. Chaque titre comporte une symbolique forte – du piège de la célébrité (Mashoor) à l’expérience de l’immigration comme un “carnaval de l’inhumanité” (Dhund Lo Mujhe), en passant par l’hommage à sa Californie natale (Koshish), les temporalités en collision (Khatam) jusqu’à la quête d’émancipation linguistique (Lehja) – toujours dans une approche poétique, non linéaire. Qasr ne s’inscrit dans aucun genre unique : il mélange folk alternatif, tradition hindoustani et carnatique, poésie hindie et ourdou, instruments acoustiques (guitare, oud, violon, kanun) avec textures contemporaines (synthés, percussions fines, field recordings). Le tout pousse vers une esthétique diasporique et décoloniale .
Identité artistique
Sheherazaad fait référence à Scheherazade, conteuse des Mille et Une Nuits, symbole de résistance et de survie par la narration. En hindi et ourdou, le nom signifie aussi “ville libre”, idée très chère à l’artiste : incarner une cité, un espace ouvert d’expression et de transformation. Elle se voit comme une voix qui revendique le droit d’être “désordonnée” et de défier les cadres rigides de genre, race et tradition, particulièrement en tant que personne élargissant la notion de genre. Elle veut déconstruire la “mythologie de la minorité modèle” en Asie américaine et proposer une légitimité narrative plurielle et libre .