Qasr

Avec Qasr, Sheherazaad signe un premier mini-album aussi intime que visionnaire, sorti en mars 2024 chez Erased Tapes. Le mot Qasr signifie « château » ou « forteresse » en ourdou : un titre qui incarne parfaitement la nature de ce disque, construit comme un refuge sonore où se superposent traditions, fractures et reconstructions identitaires.

Une voix diasporique

Dès les premières notes de Mashoor, la voix ample de Sheherazaad impose un univers théâtral et habité. Ce morceau, porté par une guitare acoustique précise et par la production délicatement tissée d’Arooj Aftab, met en scène l’obsession contemporaine pour la célébrité. Plus largement, il pose les bases du disque : une musique enracinée dans la diaspora, qui refuse les assignations culturelles trop étroites. Chaque titre agit comme une pièce d’un château intérieur. Dhund Lo Mujhe déploie un cirque sonore, presque carnavalesque, pour raconter la folie de l’expérience migratoire. Avec Koshish, l’artiste revisite son enfance californienne, en injectant oud et rythmiques méditerranéennes dans un esprit presque surf. Khatam se fait méditation apocalyptique, un chant sur la fin des civilisations et le temps qui s’effondre, tandis que Lehja conclut l’album dans une énigme lumineuse, répétant le mot azaadi (liberté), comme un mantra de délivrance.

Métissage sonore

Impossible de réduire Qasr à un genre. On y trouve des échos de folk contemporain, de classique hindoustani, de jazz, parfois même des inflexions flamenco. Cette pluralité ne relève pas d’un simple collage esthétique, mais d’une volonté décoloniale : faire entendre une voix diasporique qui refuse le carcan du « world music » et s’impose comme une écriture artistique à part entière. Ce qui frappe avant tout, c’est la tension entre puissance et fragilité. La voix de Sheherazaad se dresse comme un rempart, mais derrière ses inflexions se devinent des failles : deuil familial, fragmentation culturelle, mémoire des migrations. C’est là que réside la beauté de Qasr : dans cette forteresse sonore traversée de fissures, où chaque brèche devient une ouverture vers l’autre. Ce mini-album d’à peine vingt-trois minutes bouleverse par sa densité et sa cohérence. Plus qu’un simple début, il annonce l’émergence d’une artiste qui pourrait redessiner les contours de la musique diasporique contemporaine.

Favorites

Dhuns do Muhje


Playlists

Balkan Borek

Suivant
Suivant

Mind Explosion