Around the war
"Around the War" n’est pas une playlist de guerre, mais une playlist de l’envers de la guerre — ce qu’on écoute en attendant les bonnes nouvelles et en dansant malgré tout, en espérant qu’un être cher revienne. Elle évoque une Amérique des années 1930-1950, baignée de jazz, de crooners, de voix feutrées, de bals sous les projecteurs tamisés.
On y entend Lena Horne, Doris Day, les Ink Spots, Glenn Miller, Benny Goodman… des artistes qui, à leur manière, ont offert un abri sonore pendant l’orage. Chaque chanson semble poser une étoffe douce sur les épaules d’une époque meurtrie.
Cete liste se veut une nostalgie lumineuse, jamais plaintive. On y danse doucement dans une pièce trop grande, on rêve entre deux stations de radio, on s’accroche aux mots simples des refrains pour rester humain dans un monde en bascule.
Les orchestrations de Glenn Miller ou Benny Goodman enveloppent d’élégance des mélodies qui semblent flotter au-dessus du fracas. Les voix des femmes — Lena Horne, Doris Day, les Andrews Sisters — offrent une douceur qui n’est jamais naïve. Elles consolent. Elles tiennent.
Et puis, les Ink Spots : leur style inimitable, presque murmuré, devient ici le fil rouge d’une playlist tournée vers l’intime. "We Three (My Echo, My Shadow and Me)" revient deux fois — comme un refrain spectral. L’ombre, l’écho et soi-même : les seules présences quand le monde vacille.
Même les morceaux plus légers comme "Rum and Coca Cola" ou "Boogie Woogie Bugle Boy" participent d’un même théâtre : celui de l’évasion, de la bravoure feinte, des sourires arrachés à la peur.
"Around the War" est une playlist-mémoire. Elle ne documente pas la guerre — elle en recueille les soupirs, les silences, les résonances. C’est un hommage aux vies suspendues, à ceux qui ont aimé, attendu, survécu ou perdu. C’est une manière de dire : voici ce que nous écoutions quand tout aurait pu s’effondrer — et que pourtant, une certaine grâce a persisté.