Paradiso 70s
Il y a dans Paradiso 70s une continuité organique entre les années 60 et aujourd’hui : une même vibration, une même faim d’électricité brute. La virtuosité et la rugosité cohabitent, le blues — exilé de ses racines américaines — devient le carburant d’un langage nouveau, forgé par les guitares anglaises et ravivé aujourd’hui par des formations européennes. On y retrouve l’esprit des premières métamorphoses du blues : ce moment où la plainte du delta s’est changée en cri électrique. L’Angleterre de la fin des sixties y tient lieu d’épicentre — cette époque où des musiciens blancs, nourris au jazz et à la soul, ont rallumé le feu ancien du blues noir américain pour en faire une forme de transe moderne. Les amplis poussaient à fond, les micros saturaient, et tout devenait une expérience physique : le son ne décrivait plus la douleur, il la faisait vivre.
Paradiso 70s est un basculement du blues en puissance rituelle. Les riffs deviennent incantations, les solos des monologues intérieurs, les voix oscillent entre défi et supplication. Tout est affaire de tension : celle du corps et du son, du désir et de la rage. Le blues n’est plus ici une nostalgie, mais une matière première, malléable, infiniment réinventée. Les grands anciens — Led Zeppelin, Ten Years After, The Doors — n’y figurent pas comme des icônes figées, mais comme des forces encore actives. Leur énergie circule, se propage, se contamine. On sent à travers eux l’émergence d’une esthétique de la liberté sonore : solos démesurés, improvisations qui s’étirent, voix qui explorent les marges de la justesse. C’est tout un imaginaire du risque et du vertige qui se déploie.
Mais Paradiso 70s ne se veut pas nostalgie. Elle se prolonge dans la descendance — des groupes comme Planet of Zeus, qui reprennent le flambeau avec une lourdeur plus métallique, plus désabusée. Chez eux, la fureur du blues se teinte d’un cynisme moderne : le même feu, mais dans un monde refroidi. Et pourtant, c’est toujours la même transe, le même instinct viscéral : faire parler le corps à travers la guitare. Ce mélange de générations crée une suite, tout semble appartenir à la même jam sans fin. Le son des années 70 n’est pas ici une relique : il demeure vivant, circulant, contaminant. Pure Rock 70s devient ainsi une sorte de rite d’écoute, une traversée du feu blues-rock dans son état le plus brut — celui où l’énergie prime sur la forme, où la sincérité du cri dépasse la recherche du style.