Life goes on
Carla Bley, Andy Sheppard, Steve Swallow
Enregistré en novembre 2019 et paru en février 2020 sur ECM, Life Goes On restera comme le dernier disque du Carla Bley Trio. Pianiste et compositrice majeure du jazz contemporain, Carla Bley, aux côtés de son compagnon Steve Swallow (basse électrique) et du saxophoniste britannique Andy Sheppard, y livre une œuvre de maturité, à la fois sereine, lucide et teintée d’une mélancolie douce. Un album qui sonne comme un adieu, mais aussi comme une célébration de la vie.
Trois suites
L’album se structure en trois suites de trois morceaux chacune : Life Goes On, Beautiful Telephones et Copycat. Cette organisation confère au disque une impression de cycle, comme un rituel. La première suite, qui donne son titre à l’album, s’ouvre sur un thème simple, presque enfantin, qui se déploie avec tendresse et légèreté. Le message est clair : malgré tout, la vie continue. Avec Beautiful Telephones, Bley retrouve son goût de l’ironie et du commentaire social : le titre fait référence à une phrase de Donald Trump découvrant les téléphones dorés de la Maison-Blanche. La musique, plus grinçante et humoristique, montre que son esprit satirique est resté intact. Enfin, Copycat joue sur l’idée d’imitation : motifs repris, transformés, imités entre les trois instruments, comme un jeu d’écho qui met en valeur la complicité du trio.
Musique de chambre
L’absence de batterie et la clarté de la production ECM donnent au disque un caractère de jazz de chambre. Les notes semblent suspendues, chaque respiration compte. Le piano de Bley est sobre, presque fragile, mais chaque phrase est juste. Steve Swallow, fidèle à son jeu unique au médiator, déroule ses lignes chantantes avec une tendresse constante. Andy Sheppard, avec son timbre soyeux, apporte la couleur et le souffle, jouant souvent en prolongement des phrases de Bley. On a la sensation d’écouter une conversation entre trois voix complices, à mi-chemin entre gravité et sourire. Comme toujours chez Carla Bley, l’humour affleure même dans les moments les plus graves. Le disque n’est jamais pesant : il garde une légèreté, une ironie discrète, qui rappelle que l’art de Bley a toujours consisté à mêler profondeur et distance. Life Goes On est une méditation sur le temps qui passe, sur la vieillesse et la finitude, mais sans pathos : plutôt avec une élégance douce, une façon d’accueillir l’inévitable avec esprit. Life Goes On est un album qui touche par sa simplicité et sa sincérité. Plus qu’une œuvre de transition, il apparaît aujourd’hui comme le testament musical de Carla Bley : une déclaration d’amour à la vie, à la musique, et à ses deux compagnons de route. Dans ce disque, il n’y a ni éclats, ni démonstration : seulement l’essentiel. Trois voix complices qui, dans le silence d’un studio, nous rappellent que l’art le plus fort n’est pas celui qui crie, mais celui qui chuchote avec justesse.
Favorites
Live Goes On: Life goes on
Beautiful Telephones (Pt1)
Beautiful Telephones (Pt2)
Beautiful Telephones (Pt3)