Trios

Carla Bley, Andy Sheppard, Steve Swallow

En 2013, Carla Bley signe avec Trios son premier album pour ECM, label réputé pour ses productions à la fois cristallines et exigeantes. En compagnie de Steve Swallow à la basse électrique et d’Andy Sheppard au saxophone, elle propose un disque qui condense la quintessence de son langage : humour, subtilité et mélancolie, dans un format réduit au strict nécessaire

Opus intimiste

Pas de batterie, pas de renfort orchestral. Seulement trois voix : le piano de Bley, lyrique et minimaliste ; la basse chantante de Swallow, qui remplace à la fois la contrebasse et la guitare ; et le saxophone de Sheppard, au souffle souple et poétique. Cette économie de moyens n’est pas un appauvrissement, mais une force : elle met en valeur l’essentiel de l’écriture et la complicité de longue date entre les musiciens. Trios n’est pas un album de compositions inédites, mais plutôt une relecture de thèmes emblématiques du répertoire de Bley. On y retrouve par exemple Utviklingssang, déjà entendu dans des versions orchestrales, qui prend ici des allures de ballade dépouillée, presque fragile. Le disque se déploie comme une traversée de paysages familiers mais redessinés à l’encre fine : chaque pièce est comme une miniature, travaillée dans le détail, où la mémoire des grandes fresques de Bley se transforme en confidence. 

Comme toujours chez Carla Bley, la musique oscille entre gravité et ironie. On sent une tendresse profonde dans les mélodies, mais aussi une distance amusée, presque malicieuse, dans la manière dont elles sont détournées ou étirées. L’absence de batterie accentue ce climat de demi-teinte : tout repose sur la respiration collective, sur le jeu des silences et des résonances.  Écouter Trios, c’est pénétrer dans un espace où le jazz prend des allures de musique de chambre contemporaine. Les interactions sont subtiles, parfois à la limite du murmure. Swallow se déploie en contrechant mélodique plutôt qu’en simple accompagnateur ; Sheppard privilégie le souffle long, les lignes claires, plutôt que les éclats virtuoses. Et Bley, dans son rôle de maîtresse du jeu, choisit la sobriété, donnant l’impression de parler bas, comme pour mieux être entendue.

Trios inaugure une nouvelle étape dans la carrière de Carla Bley : après les projets monumentaux, elle montre qu’avec trois instruments et beaucoup d’intelligence musicale, on peut créer un univers entier. Plus qu’un simple album, c’est une leçon d’épure et de complicité, une manière de dire que la maturité permet parfois de réduire l’orchestre à l’essentiel, sans rien perdre de l’émotion.

Favorites

Utviklingssang


Playlists

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