Live at the Old Absinthe House Bar - Friday Night & Saturday Night
Nouvelle-Orléans
deux soirées mythiques du blues moderne !
Il existe des disques de blues “joués” et puis il existe des disques de blues vécus. Les deux volumes Live at the Old Absinthe House Bar de Bryan Lee appartiennent à la seconde catégorie — celle des enregistrements qui ne documentent pas seulement un concert, mais un lieu, une atmosphère, une culture. Sortis à la fin des années 1990 sur le label canadien Justin Time, Friday Night et Saturday Night sont plus que des albums live : ce sont des instantanés brûlants de Bourbon Street, des archives sonores où chaque applaudissement, chaque cri du public, chaque glissement de bottleneck semble animé par l’esprit fiévreux de La Nouvelle-Orléans.
Dès les premières mesures, on comprend qu’on n’écoute pas simplement un concert enregistré : on entre dans une salle. Le son est chaleureux, large, vivant. Rien n’est lissé, rien n’est poli. Les micros captent les bruits du bar, les conversations en arrière-plan, les réactions immédiates — et cette porosité fait partie intégrante de l’expérience. Dans un monde où tant de lives sont mixés comme des albums studios, Bryan Lee rappelle ici que la musique est un acte social, un échange, une énergie collective.
Le Old Absinthe House Bar, établissement historique de l’angle Bourbon & Bienville, n’est pas une salle de spectacle : c’est un lieu de passage, de débordements, de rencontres. Et pourtant, Lee transforme cet espace chaotique en une véritable église du blues. Ce n’est pas un hasard si l’on l’appelait “Braille Blues Daddy” : son jeu a quelque chose de voyant, de rayonnant, d’évangélique. À la guitare, il prêche ; au chant, il console ; dans les chorus, il exorcise.
Friday Night : l’embrasement
Le premier volume capture l’énergie d’un début de week-end à la Nouvelle-Orléans : électrique, nerveuse, explosive. Les tempos sont rapides, les shuffles claquent, et l’on sent que Lee joue comme pour “réveiller” la rue. Les solos sont tranchants, presque féroces, avec cette façon unique qu’il a d’entrer légèrement en retard sur le temps, créant un groove irrésistible.
Ce Friday Night regorge de moments de pure virtuosité émotionnelle, où la guitare semble se libérer de toute contrainte pour devenir un cri de joie rugueuse. Il serait injuste de parler de ces albums sans mentionner le rôle colossal du groupe : une rythmique solide comme un pont en acier, un bassiste profondément ancré dans le second line beat de La Nouvelle-Orléans, un batteur qui sait à la fois swinguer et foncer, et parfois l’ajout de claviers qui introduisent une teinte R&B presque churchy. Bryan Lee est le centre, mais l’orchestre est la colonne vertébrale, le sol vivant sur lequel il danse.
Satruday Night : la révélation
Si Friday Night est un embrasement, Saturday Night est une révélation. Tous les critiques du blues le notent : c’est le meilleur des deux. Bryan Lee y est plus lyrique, plus narratif, plus vibrant d’âme. Les tempos ralentissent, l’espace augmente, les nuances deviennent palpables. On est ici au cœur de son art : un blues électrique qui n’imite personne, qui puise dans Chicago mais respire La Nouvelle-Orléans, qui chante le gospel sans en avoir le vocabulaire liturgique. Le chant de Lee, légèrement rauque, habité, souvent proche d’une confession, est capté dans sa vérité la plus nue. Quand il pousse la voix, ce n’est pas pour impressionner : c’est pour ouvrir une brèche émotionnelle dans la nuit. Les solos deviennent des sermons, les silences ont un poids rare, les tensions harmoniques s’étirent. On y retrouve ce don qu’avait Bryan Lee de faire de chaque morceau une histoire racontée, un fragment de vie partagé.
Un sommet du blues live des années 1990
Les deux volumes réunis constituent probablement l’une des meilleures chroniques live du blues des années 1990 — une époque souvent marquée par la production lissée et les excès techniques. Bryan Lee, au contraire, rappelle ici que le blues est un art du moment, de l’intensité, de la vulnérabilité assumée. Ce qui frappe, c’est l’absence totale de pathos : tout est authentique, brut, sincère. Ce dyptique est l’un des très rares enregistrements à capturer la magie nocturne de Bourbon Street sans artifice. Parce qu’il montre Bryan Lee à son sommet : un guitariste incandescent, un chanteur habité, un band soudé comme une famille. Parce qu’il rappelle que le blues est un rituel vivant, une fête, un besoin, mais surtout parce qu’on en ressort différent : on a vécu quelque chose !
Deux nuits, un mythe
Friday Night et Saturday Night ne sont pas seulement deux albums live : ce sont deux nuits mythiques où Bryan Lee saisit l’essence même du blues moderne. En les écoutant, on comprend ce qu’est vraiment jouer pour un public, se battre avec ses propres émotions, nourrir la salle de son feu intérieur, et laisser la nuit décider du reste. Ce diptyque est plus qu’essentiel : il est fondateur, authentique, et pour tout amateur de blues, il devrait être obligatoire.
Favorites
The Sky is Crying
Ain’t Doing Too Bad
Five Long Years
Going Down
Key to the Higway
Rock me Baby
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I Got a Rich Man’s Woman
How Many More Years
The Things That I Used to Do
Love Her with a Feeling