The Chopin Project

The Chopin Project

Deutsche Grammophon, 2024

The Franchomme Legacy / Chopin for Cello

L’audacieuse violoncelliste franco-belge s’empare ici d’un monument — le répertoire de Frédéric Chopin — et le replie, le ré-invente sous l’archet du violoncelle. Le projet est triple : trois disques, trois « chapitres » — musique de chambre, arrangements pour violoncelle & piano, héritage de Auguste Franchomme, ami et transcripteur de Chopin.  Dans un paysage classique souvent cantonné à la tradition, Camille Thomas opte pour l’aventure. Elle joue sur le célèbre violoncelle « Feuermann » de 1730, autrefois propriété de Franchomme — ce symbole à lui seul en dit long : l’instrument, l’interprète, l’histoire se rejoignent. 

Le choix du violoncelle pour rendre Chopin est déjà un pari : comment faire chanter des Nocturnes, Mazurkas, Trio, Sonate et les transcriptions associées sans trahir leur essence ? Ici, Thomas ne les « pianise » pas, elle les fait respirer, vibrer autrement.

Structure

Le premier CD est consacré à la musique de chambre de Chopin — Trio en sol mineur op. 8, Sonate pour violoncelle op. 65, etc. Le deuxième à des arrangements pour violoncelle et piano — choix audacieux, ré-adaptations signées parfois par Thomas elle-même. Le troisième revisite l’héritage de Franchomme : ses propres arrangements, des pièces pour quatre violoncelles, des œuvres peu (ou pas) enregistrées auparavant.  Musicalement, on est frappé par la clarté et l’humanité du son. Thomas ne cherche pas l’éclat facile ; elle privilégie la phrase chantée, la nuance, la retenue. Le rubato est présent mais maîtrisé, toujours au service du souffle. Lorsqu’elle aborde les Mazurkas ou les Préludes, l’évocation de l’âme polonaise de Chopin est là — mais « traduit » dans la tessiture du violoncelle, avec ses graves pleins, ses aigus effleurés, ses harmoniques comme des soupirs. Le disque hérite aussi d’une dimension narrative : on passe du trio de jeunesse aux pièces tardives, des arrangements originels aux transcriptions modernes — comme un voyage dans le temps, mais aussi dans les transformations du discours chopinien.

L’enregistrement est une réussitte grace à son caractère complet et ambitieux du projet. Le triple CD donne une ampleur rarement proposée autour de Chopin + violoncelle, l’équilibre entre fidélité (aux œuvres, à l’esprit) et invention (les transcriptions, les choix de timbre, l’instrument même) et la présence sonore de l’instrument — on sent l’acoustique, l’espace, la proximité de l’interprète. Pour l’auditeur moins familier du violoncelle, certaines versions d’œuvres de piano peuvent surprendre ou sembler « différentes ». Le choix d’arrangements pour quatre violoncelles (CD 3) peut irriter les puristes. Le projet demande une attention soutenue : trois disques représentent un investissement de concentration, plus encore qu’un disque classique. Il ne s’efface pas dans le fond sonore.

The Chopin Project : Trilogy ne se contente pas de « faire Chopin au violoncelle ». Il interroge le rôle de l’instrument, la tradition de l’arrangement, la mémoire des interprètes oubliés (comme Franchomme). Il redonne au violoncelle une place dans l’univers romantique que l’on croyait acquise au piano. Pour Camille Thomas, c’est aussi l’affirmation d’une identité artistique — non pas « violoncelliste classique parmi tant d’autres », mais « interprète-passeur ». Le violoncelle devient voix, et elle en est le médium. Dans un monde de plus en plus spécialisé ou numérisé, cet album invite à la lenteur, à l’écoute profonde, à la re-découverte. On y entend à la fois le passé et une modestie orientée vers l’avenir.

Favorites

Études, Op. 10: No. 3 in E Major "Tristesse"

Nocturnes, Op. 14: No. 1, Andante

Préludes, Op. 28: No. 15 in D-Flat Major, ''Raindrop”


Playlists

Cellophane

Précédent
Précédent

Look Out Highway

Suivant
Suivant

Recomposed by Max Richter : Vivaldi, the Four Seasons