The Importance of birds

The Importance of Birds (2024, Sony Classical / XXIM Records selon les éditions) marque une étape charnière dans le parcours de Snorri Hallgrímsson : un album à la fois plus conceptuel, plus orchestral, et plus directement émotif que ses précédents. Avec The Importance of Birds, Snorri Hallgrímsson atteint un point d’équilibre rare entre la grâce du minimalisme et la plénitude orchestrale. Le titre, à la fois mystérieux et limpide, dit beaucoup de l’intention de l’album : observer la fragilité du monde à travers la légèreté d’un symbole, celui de l’oiseau — messager du ciel, porteur d’élan et de mémoire. Chez Hallgrímsson, le vol n’est jamais spectaculaire ; il est intérieur, retenu, un geste musical vers le haut qui s’achève toujours dans le silence.

Dès l’ouverture, The Nest, la palette sonore s’élargit : cordes, chœurs, bois discrets, piano suspendu, textures électroniques quasi invisibles. On retrouve la patte du compositeur islandais — ces harmonies diaphanes, ces transitions qui semblent respirer d’elles-mêmes — mais dans une forme plus ample, presque cinématographique. Là où Orbit s’apparentait à un journal intime instrumental, The Importance of Birds s’élève vers une écriture collective, un chant d’ensemble où chaque timbre dialogue avec un autre.

L’album a d’ailleurs été enregistré avec le SinfoniaNord Orchestra, sous la direction du compositeur, et cela s’entend : la densité orchestrale ne noie jamais la clarté, chaque souffle, chaque frottement d’archet conserve sa présence.

La structure de l’album évoque une suite d’observations ou de “stations” du vol : The Weight of Wings, The Distance Between Trees, Feathers and Light… autant de titres-poèmes qui prolongent l’univers d’un artiste plus contemplatif que démonstratif. Le disque semble explorer la question de la gravité — comment le son peut s’élever sans rompre son lien à la terre. Hallgrímsson parvient à créer un espace où la mélancolie et la sérénité coexistent : une beauté sans tension, une douceur qui ne craint pas la lenteur.

L’influence de Jóhann Jóhannsson demeure perceptible — dans le goût du motif cyclique, dans la façon de fondre les cordes au sein d’un halo harmonique. Mais Hallgrímsson s’en détache ici avec assurance : il ose une lumière plus franche, une écriture plus mélodique, parfois presque chorale. Le morceau central, The Importance of Birds, est une apogée discrète : une ligne vocale fragile émerge du tissu instrumental, comme un souvenir d’enfance qui reprend souffle. On pense à Arvo Pärt pour l’économie du geste, mais aussi à Debussy pour la manière dont chaque note semble naître d’un paysage.

L’album se clôt sur Flightless, pièce d’une sobriété bouleversante. Le piano y devient voix, les cordes retiennent leur vibrato, et le silence final agit comme une retombée physique. Hallgrímsson parvient à faire entendre ce que peu de compositeurs osent aujourd’hui : la beauté du presque rien. Dans un monde saturé d’effets et de réverbérations grandiloquentes, The Importance of Birds affirme un art du dépouillement. Chaque élément y semble placé à sa juste distance : ni trop près, ni trop loin. C’est une musique qui ne cherche pas à séduire, mais à respirer avec celui qui l’écoute. Au-delà de sa pureté sonore, le disque fonctionne aussi comme une métaphore écologique : Hallgrímsson rappelle, sans militantisme, combien la beauté du monde tient à sa fragilité. Ses oiseaux ne sont pas des symboles de liberté, mais des témoins — de l’équilibre, du souffle, de la vulnérabilité du vivant. En ce sens, The Importance of Birds s’inscrit dans une lignée d’œuvres nordiques où la nature devient sujet moral : non pas décor, mais interlocuteur.

Snorri Hallgrímsson y confirme son statut d’héritier discret d’Ólafur Arnalds et de Jóhann Jóhannsson, mais aussi de poète sonore à part entière. Sa musique parle bas, mais elle parle juste. Et dans ce murmure orchestral, on reconnaît peut-être ce qui manque le plus à notre époque : le courage de la douceur.

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