Bertrand Chamayou
Né en 1981 à Toulouse, Bertrand Chamayou s’est imposé en deux décennies comme l’une des figures les plus singulières et les plus raffinées du piano français. Formé initialement à Toulouse auprès de Claudine Willoth, il rejoint à 15 ans la classe de Jean-François Heisser au CNSM de Paris, qui deviendra une influence durable, tant par la rigueur stylistique que par l’ouverture au répertoire moderne. Très tôt, Chamayou fait montre d’une double inclination : une sensibilité poétique héritée de l’école française, et une intelligence structurelle qui lui permet d’aborder les œuvres les plus vastes sans emphase ni lourdeur.
Sa carrière prend son véritable essor en 2006, lorsqu’il remporte le Concours International Long-Thibaud, dont il restera l’un des lauréats les plus marquants des années 2000. Son premier enregistrement consacré aux Études de Liszt attire l’attention par une maturité rare : un mélange de virtuosité contenue et de clarté analytique. Mais c’est avec ses disques Liszt (2011), Ravel (2016) et Saint-Saëns (2019) que Chamayou s’impose définitivement à l’international : chacun révèle un pianiste capable d’unir la précision millimétrée à une sonorité prismatique, toujours élégante, jamais forcée.
Chamayou cultive une relation privilégiée avec le répertoire français — Ravel, Fauré, Dutilleux — qu’il défend avec un sens aigu des couleurs et des équilibres. Ses interprétations de Ravel, en particulier, ont été saluées comme parmi les plus abouties de sa génération : fluidité naturelle, articulation limpide, refus du maniérisme. Il aborde toutefois un large spectre esthétique, du romantisme de Schubert et Liszt aux écritures plus contemporaines, notamment autour de Messiaen ou Cage, et n’hésite pas à créer des passerelles entre les époques, comme en témoigne son récent album Letter(s) to Erik Satie (2023).
Musicien recherché sur les grandes scènes — Philharmonie de Paris, Wigmore Hall, Musikverein de Vienne, Carnegie Hall —, il se produit en soliste avec les orchestres les plus prestigieux (Orchestre de Paris, London Symphony Orchestra, Los Angeles Philharmonic, Gewandhausorchester, Orchestre National de France) sous la direction de chefs tels que Gustavo Dudamel, François-Xavier Roth, Semyon Bychkov ou Andris Nelsons. Chamayou excelle également en musique de chambre : ses collaborations avec Sol Gabetta, Renaud Capuçon, Quatuor Ébène ou encore les sœurs Labèque révèlent un chambriste attentif, souple, toujours à l’écoute.
Artiste exclusif du label Erato/Warner Classics, il construit une discographie cohérente, sans dispersion, souvent conceptuelle : programmes monographiques rigoureux, associations d’œuvres pensées comme des constellations, exploration des filiations esthétiques (Liszt → Scriabine, Satie → Cage, etc.). Sa démarche repose sur une idée forte : la virtuosité n’est qu’un moyen ; la clarté, la respiration et le sens du parcours musical en sont la finalité.
Discret mais très présent, profondément musicien plutôt que médiatique, Bertrand Chamayou occupe aujourd’hui une place rare : celle d’un pianiste-poète dont chaque projet est conçu comme une architecture sonore, et dont le jeu, à la fois précis et rêveur, fait dialoguer l’histoire, la modernité et une sensibilité résolument personnelle. Un musicien essentiel dans le paysage pianistique contemporain.