Guitar Pete

Dans le panorama du blues-rock américain, Pete Brasino, connu sous le nom de Guitar Pete, occupe une place singulière, quelque part entre la ferveur brute des clubs de New York et la flamboyance d’un hard blues suramplifié. Ce n’est ni un guitar hero des grandes scènes ni un simple bar-band leader : c’est un artisan du riff, un guitariste à la voix rugueuse, forgé par des années de bars enfumés et d’enregistrements autoproduits.

Son album le plus emblématique, Axes of Evil (1984), donne le ton : un condensé de blues électrique trempé dans l’acier du hard rock, porté par une guitare lourde, un son de combo compact et des solos qui puisent autant chez Johnny Winter et Pat Travers que chez Hendrix. Le disque, sorti sur un petit label indépendant, n’a jamais eu la diffusion qu’il méritait — mais il a circulé comme une relique entre musiciens, réédité plus tard sur CD par Krescendo Records, devenant un disque-culte pour les amateurs d’un blues abrasif et authentique.

Brasino ne cherche pas la virtuosité démonstrative : son jeu est viscéral, percussif, nerveux, traversé de ces dérapages contrôlés qui rappellent la tension d’un concert live. Sa voix, mi-rocailleuse mi-mélodique, évoque davantage un ouvrier du blues qu’une star de la scène. Ce réalisme sonore — celui d’un homme qui vit sa musique dans la sueur et la sincérité — donne à ses disques un parfum de vérité que peu d’artistes de l’époque ont su préserver.

Dans les années 1990 et 2000, Guitar Pete poursuit son chemin à la tête du groupe Guitar Pete’s Axe Attack, alignant concerts, festivals régionaux et autoproductions (comme Hell Bent for Heaven ou Rockin’ the Blues Away). Il se construit alors une réputation d’homme de scène : un bluesman électrique, à mi-chemin entre la tradition et la fureur du rock. Son approche rappelle celle d’un Rory Gallagher new-yorkais : pas d’artifice, pas d’égo, juste la guitare comme extension du corps et de la colère. Brasino ne révolutionne rien, mais il refuse la tiédeur — et c’est là que réside son importance. Aujourd’hui encore, certains collectionneurs de vinyles traquent ses albums rares, notamment les pressages originaux de Axes of Evil, dont la pochette, tout droit sortie d’un comic-book métal, cristallise son esthétique : un bluesmen en guerrier électrique. Les morceaux « Evil Woman », « Night Train » ou « Standing in the Rain » montrent sa capacité à mêler riff hard-rock et âme blues, dans une production simple mais brûlante. Guitar Pete n’a jamais cherché les projecteurs. Son œuvre, discrète mais cohérente, trace la voie d’un blues indépendant, affranchi des clichés et des compromis. Un blues de garage, plein de cambouis et de sincérité — comme si Stevie Ray Vaughan avait troqué le Texas pour le Bronx.

 

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