As Is

Avec As Is, paru en 2023, Bojan Z signe son troisième album en piano solo et probablement l’un de ses plus personnels. Après les explorations sonores de Xenophonia ou les couleurs multiples de Soul Shelter, le pianiste serbo-français choisit cette fois la voie de l’épure. Le titre, qui pourrait se traduire par « tel quel », annonce d’emblée une démarche sans fard : présenter la musique dans sa nudité, dans son immédiateté, sans autre filtre que le son du piano et le souffle de l’instant.

Dès les premières notes, on retrouve cette manière si singulière de Bojan Z de faire chanter l’instrument : un toucher à la fois ferme et caressant, où la mélodie se déploie avec une fluidité presque organique. Le pianiste joue sur les contrastes : un arpège délicat peut soudain être bousculé par un accord percussif, une ligne claire se dissoudre dans un brouillard harmonique. On sent l’influence des musiques balkaniques, discrète mais toujours présente dans certaines tournures mélodiques, comme une mémoire intime qui affleure au détour d’une phrase.

Ce disque se distingue aussi par son atmosphère introspective. Là où certains albums de piano solo cherchent l’ampleur orchestrale, Bojan Z privilégie la retenue. Chaque morceau semble construit comme un fragment de journal intime : une pensée esquissée, une émotion retenue, une confidence murmurée à l’oreille de l’auditeur. Le silence y joue un rôle central, donnant à chaque note un poids particulier et à chaque respiration un sens dramatique.

As Is ne cherche pas à séduire par l’exubérance ni par la virtuosité. Il touche plutôt par son honnêteté. On y perçoit un musicien arrivé à maturité, qui n’a plus besoin de prouver, mais simplement de dire l’essentiel. Le piano devient le lieu d’une parole intérieure, à la fois fragile et universelle, où se rejoignent les héritages classiques, le jazz moderne et la poésie des Balkans. Au final, As Is est un album qui se savoure dans la durée, un compagnon de solitude autant qu’un confident discret. Bojan Z y offre un miroir musical où chacun peut entendre résonner sa propre intimité. Un disque de dépouillement, mais aussi de plénitude.

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