Cactus

À la fin des années 60, alors que le rock psychédélique commence à s’essouffler et que le hard rock prend son envol, un nouveau groupe américain surgit avec une énergie brute et dévastatrice : Cactus. Formé en 1969 par le batteur Carmine Appice et le bassiste Tim Bogert, fraîchement sortis de Vanilla Fudge, le quatuor est complété par le chanteur Rusty Day (ex-Amboy Dukes) et le guitariste Jim McCarty (ex-Mitch Ryder & The Detroit Wheels). Leur premier album éponyme, sorti en 1970 chez Atco Records, est un concentré de hard-blues musclé, sale et sans fioritures, qui impose immédiatement la patte sonore du groupe.

Dès l’ouverture avec Parchman Farm, reprise musclée du classique de Mose Allison, Cactus donne le ton : riffs lourds, voix éraillée, rythmique implacable. Là où la version originale était teintée d’ironie jazzy, le groupe en fait un manifeste rock brutal, presque sauvage. Rusty Day éructe plus qu’il ne chante, et la guitare de McCarty tranche comme une lame électrique. L’auditeur sait d’emblée qu’il ne s’agit pas d’un disque pour amateurs de subtilité, mais pour ceux qui aiment la musique comme une décharge d’adrénaline.

Hard Blues

Les titres s’enchaînent avec une intensité constante. My Lady from South of Detroit rappelle les racines blues du groupe, tout en injectant une lourdeur rythmique héritée de Cream et de Led Zeppelin. You Can’t Judge a Book by the Cover, reprise de Willie Dixon, est transformée en un boogie hard rock tonitruant, où la basse de Bogert grogne comme un moteur. Au fil de l’album, on retrouve cette tension entre respect des traditions blues et volonté d’amplifier, d’électrifier jusqu’à la saturation. Oleo, par exemple, s’autorise des envolées instrumentales qui flirtent avec l’improvisation free, montrant la virtuosité du quatuor derrière l’apparente sauvagerie.

Section rythmique

Impossible d’écouter Cactus sans être frappé par la complémentarité de Tim Bogert et Carmine Appice. La basse et la batterie ne sont pas seulement un soutien : elles sont le moteur du groupe, un rouleau compresseur qui entraîne tout sur son passage. McCarty, de son côté, propose une guitare tranchante, jamais décorative, toujours au service de l’impact. Quant à Rusty Day, il incarne la figure du frontman habité, à la fois charismatique et incontrôlable, un hurleur capable de tenir tête à la déflagration instrumentale.

Un disque culte mais resté dans l’ombre

Malgré ses qualités indéniables, Cactus n’a jamais atteint le succès commercial des albums contemporains de Led Zeppelin ou Deep Purple. La faute à un certain manque de promotion, à des tensions internes, et sans doute à une musique trop brute pour séduire un large public. Pourtant, l’album a marqué les esprits des amateurs de rock dur, et il reste considéré comme un jalon fondateur du hard-blues américain. Sa rugosité, son absence de compromis et son énergie volcanique en font une œuvre qui, plus de cinquante ans après, conserve toute sa force. De nombreux musiciens de la scène stoner ou heavy-blues actuelle – de Gov’t Mule à Rival Sons – revendiquent indirectement cet héritage. Avec ce premier album, Cactus a posé les bases de son identité : un hard-blues cru, sans concession, qui ne cherche pas la sophistication mais l’impact immédiat. Si le groupe n’a jamais connu la gloire mondiale de ses contemporains britanniques, il reste un trésor pour les passionnés d’authenticité rock. Cactus (1970) est un disque incandescent, à redécouvrir comme un témoignage unique de cette période où le blues électrique s’est mué en hard rock rugissant.

Favorites

Let Me Swim

Oleo

No need to worry

Feel So Good


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One way… or another