Cactus
Quand on évoque les grandes formations rock américaines des années 70, les noms de Led Zeppelin, Grand Funk Railroad ou Mountain surgissent spontanément. Pourtant, un autre groupe, plus discret mais tout aussi incandescent, a marqué l’histoire du hard-blues : Cactus. Né en 1969 des cendres de Vanilla Fudge, il réunit le chanteur Rusty Day, le bassiste Tim Bogert, le batteur Carmine Appice et le guitariste Jim McCarty. Dès ses débuts, Cactus s’impose comme une véritable machine à riffs, livrant un rock cru, sans compromis, qui conjugue la lourdeur du blues et la sauvagerie d’un hard rock encore en gestation.
Sans fioritures
Là où certains groupes contemporains s’aventuraient dans des orchestrations ou des expérimentations psychédéliques, Cactus préfère l’efficacité brute. Leur premier album, Cactus (1970), annonce immédiatement la couleur : guitares tranchantes, rythmique volcanique, voix éraillée et un sens instinctif du groove. La reprise musclée de Parchman Farm de Mose Allison devient un manifeste : Cactus ne cherche pas à séduire par la subtilité mais à conquérir par la puissance. À travers des titres comme Let Me Swim ou You Can’t Judge a Book by the Cover, le groupe dégage une énergie presque animale, qui doit autant au hard rock naissant qu’au blues électrique de Chicago.
Virtuosité et sauvagerie
Le moteur de Cactus réside dans l’alliage redoutable entre la section rythmique Bogert-Appice, véritable rouleau compresseur, et la guitare de Jim McCarty, dont le jeu incisif flirte avec le free blues. Rusty Day, de son côté, incarne un chanteur habité, rugueux, parfois incontrôlable, qui donne aux morceaux une intensité scénique incomparable. En concert, le groupe était réputé pour ses prestations furieuses, capables de rivaliser avec les plus grands noms du hard rock de l’époque.
Albums
Après le coup d’éclat du premier album, One Way… or Another (1971) confirme la formule : des compositions plus longues, une touche plus heavy, et toujours cette débauche d’énergie. L’album Restrictions (1971) poursuit sur cette lancée, avant que ’Ot ‘n’ Sweaty (1972) ne capture l’ardeur scénique du groupe. Cependant, Cactus n’a jamais vraiment trouvé le succès commercial à la hauteur de son intensité artistique. Les changements fréquents de line-up, les tensions internes et les excès propres à l’époque ont fini par freiner son ascension. Rusty Day quittera le groupe, et même si d’autres formations sous le même nom ont vu le jour, l’essence originelle du projet s’est progressivement dissipée.
Héritage
Aujourd’hui, Cactus demeure un nom que l’on cite avec respect dans les cercles de passionnés de blues-rock et de proto-metal. Leur musique, loin des productions léchées, conserve une fraîcheur brute qui séduit les amateurs de riffs lourds et d’authenticité. Des musiciens comme Joe Bonamassa ou Gov’t Mule revendiquent indirectement cet héritage. Leurs disques, réédités, trouvent une nouvelle vie auprès d’un public avide de retrouver cette intensité originelle. Cactus n’a pas connu la gloire planétaire, mais leur influence est bien réelle : ils représentent ce moment charnière où le blues électrique s’est durci, préfigurant le heavy metal et le stoner rock. Leur son est une gifle sonore, un rappel que le rock, au-delà de ses dérives commerciales, est d’abord une affaire de sueur, de rugosité et de liberté.