‘Ot ‘N’ Sweaty
En 1972, Cactus vit ses dernières heures dans sa formation originelle. Rusty Day, figure vocale et charismatique du groupe, a déjà quitté l’aventure, et la cohésion initiale du quatuor mythique Bogert–Appice–McCarty–Day s’est effritée. Pourtant, avant de sombrer, Cactus parvient à livrer un ultime témoignage : ’Ot ’n’ Sweaty, album hybride à moitié enregistré en concert et à moitié en studio. Ce disque est à la fois un instantané cru de l’énergie scénique du groupe et une tentative de se réinventer dans un contexte difficile.
Baroud d’honneur
La première face du vinyle capture Cactus sur scène, au légendaire Puerto Rico Pop Festival en décembre 1971. Ces titres live – Swim, Bad Mother Boogie, Bedroom Mazurka – révèlent ce que le groupe avait de plus sauvage : un hard-blues incandescent, sans filtre, qui transpire la sueur et la fureur. La rythmique Bogert–Appice y est plus que jamais volcanique, et Jim McCarty déploie une guitare rugueuse, débridée, qui mord à chaque solo. On y retrouve la force brute qui avait fait la réputation de Cactus en concert, mais aussi ses excès : le son est rugueux, parfois brouillon, mais terriblement vivant. La seconde face, enregistrée en studio, propose un visage plus contrôlé mais tout aussi énergique. Bring Me Back, City Porch Blues ou Jones Piece montrent une formation en pleine recherche de souffle nouveau. Le blues reste la matrice, mais le groupe s’autorise des expérimentations, avec des arrangements plus élaborés et des climats moins monolithiques que par le passé. On sent un désir de dépasser le simple power-blues pour flirter avec des formes plus complexes – même si l’urgence, la rugosité et l’électricité brute restent omniprésentes.
Energie crépusculaire
‘Ot ’n’ Sweaty sonne comme le chant du cygne d’un groupe qui n’a jamais vraiment eu la reconnaissance qu’il méritait. L’absence de Rusty Day au chant se fait sentir : l’album multiplie les voix invitées, mais aucune ne retrouve la fureur incontrôlable qui faisait la singularité du premier Cactus. En revanche, la paire Bogert–Appice impose une dernière fois sa maîtrise hors norme. Leurs lignes rythmiques massives constituent l’armature de l’album, et rappellent pourquoi cette section a marqué l’histoire du hard rock américain. Sorti à une époque où le hard rock s’internationalise et se complexifie (Deep Purple, Uriah Heep, Black Sabbath), ’Ot ’n’ Sweaty n’a pas eu l’écho qu’il méritait. Il reste cependant un document essentiel pour comprendre ce que fut Cactus : un groupe de scène avant tout, capable de tout embraser par sa puissance brute, mais qui n’a jamais vraiment trouvé la formule pour transformer cette énergie en succès durable.
Cet album, hybride et inégal, n’en demeure pas moins fascinant. Il est le témoin d’une époque, et il capture une intensité que peu de formations ont su maintenir dans un tel chaos. ’Ot ’n’ Sweaty n’est sans doute pas l’album le plus abouti de Cactus, mais il en est le plus sincère : une photographie instantanée d’un groupe en fin de parcours, toujours animé d’une rage viscérale. C’est le disque d’un rock sans calcul, brut et imparfait, qui respire la sueur, le bruit et la liberté. Pour les amateurs de blues-rock musclé, il constitue une pièce à redécouvrir, non pas comme un sommet, mais comme le témoignage authentique d’un groupe incandescent jusqu’au bout.
Favorites
Swim
Bad Mother Boogie
Our Lil Rock-N-Roll Thing