Healing Blues
Avec Healing Blues, Fabrizio Poggi franchit une étape essentielle de son parcours artistique. Publié en 2016, l’album s’inscrit dans une démarche profondément humaniste : rappeler que le blues, au-delà de ses racines sociales et historiques, a toujours eu une fonction de guérison. Poggi ne se limite pas à revisiter un répertoire ; il en fait un outil de transmission et d’apaisement, en convoquant l’esprit des maîtres et en s’entourant d’une communauté de musiciens complices.
Dès les premières mesures, on comprend que l’ambition dépasse la simple performance musicale. Poggi imagine le blues comme une médecine symbolique, capable de soigner les blessures intérieures et de redonner souffle. L’harmonica, son instrument fétiche, prend ici toute sa dimension expressive : tantôt rugueux, tantôt caressant, il devient l’équivalent d’une voix qui raconte la douleur mais aussi la rédemption. On retrouve ce grain typique de Poggi, où chaque note semble porter une intention claire, comme si le souffle lui-même contenait une charge de mémoire.
La sélection des morceaux illustre bien cette idée du “blues guérisseur”. Poggi mêle compositions originales et reprises de standards avec une élégance discrète. On croise des titres porteurs d’un message universel d’espérance et de résilience, parfois directement inspirés des spirituals. Le gospel s’invite dans cette célébration : chœurs fervents, rythmes entraînants, hymnes à la dignité humaine. La frontière entre blues, gospel et folk s’estompe, comme si Poggi cherchait moins à cataloguer qu’à tisser un tissu sonore capable de résonner avec la vie de chacun. Les arrangements, d’une sobriété remarquable, privilégient l’efficacité émotionnelle. Les guitares, souvent acoustiques, instaurent un climat intime, presque domestique, dans lequel l’harmonica respire à loisir. Ici, pas de virtuosité ostentatoire, mais une écoute collective : chaque musicien s’efface pour servir le propos général, comme dans une célébration communautaire. Cette dimension chorale renforce le caractère “curatif” de l’album. Sur le plan vocal, Poggi surprend par une intensité sincère, loin de toute affectation. Sa voix, parfois rocailleuse, toujours habitée, restitue l’esprit des bluesmen qu’il admire sans jamais les imiter. C’est cette tension entre fidélité et appropriation personnelle qui confère au disque son authenticité.
Le message de Healing Blues résonne d’autant plus fort qu’il s’adresse à un monde contemporain en quête de sens. Dans un climat marqué par l’agitation et la fragmentation, Poggi rappelle que la musique peut demeurer un refuge, une source de réconfort. Le blues n’est pas seulement un témoignage du passé : il reste une force vivante, capable d’unir les individus au-delà des frontières et des époques. L’album a rencontré un bel écho critique, salué notamment aux États-Unis, preuve que l’Italien a su toucher à l’essence même de cette tradition afro-américaine. Ce n’est pas un hasard si, peu après, Poggi sera nommé aux Grammy Awards avec Guy Davis : Healing Blues a ouvert la voie, en affirmant sa capacité à dialoguer d’égal à égal avec la scène internationale.
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