Fabrizio Poggi
Dans le vaste univers du blues, peu d’artistes européens ont su se faire un nom avec autant d’authenticité que l’Italien Fabrizio Poggi. Né à Voghera, près de Milan, Poggi a consacré sa vie à un instrument souvent considéré comme secondaire, mais qui entre ses mains devient une véritable voix : l’harmonica. Ses albums et ses collaborations témoignent d’une passion viscérale pour les racines afro-américaines de cette musique et d’une volonté de transmettre, au-delà des notes, une leçon d’humanité.
Son parcours est marqué par une admiration sans bornes pour les grands maîtres du blues. Il a joué aux côtés de légendes comme Guy Davis, Eric Bibb, Charlie Musselwhite ou encore The Blind Boys of Alabama. Cette reconnaissance n’est pas un hasard : Poggi s’inscrit dans la continuité de ces musiciens qui conçoivent le blues comme un art de la mémoire et de la transmission. Loin de singer un style, il l’habite avec sincérité et y injecte son propre vécu européen, oscillant entre ferveur religieuse et énergie populaire.
Musicalement, Poggi se distingue par un son d’harmonica chaleureux, souple et expressif. Ses phrasés respirent autant la tradition du Delta que la rugosité des clubs de Chicago. Dans son jeu, on entend tour à tour la prière, la plainte et l’exaltation. Cette dimension spirituelle est d’ailleurs au cœur de plusieurs de ses disques, notamment ceux où il explore le gospel et les spirituals. Poggi ne se contente pas d’interpréter : il invite à écouter autrement, comme si l’harmonica devenait un chant intérieur.
La consécration arrive en 2018 avec sa nomination aux Grammy Awards pour l’album Sonny & Brownie’s Last Train (en duo avec Guy Davis), hommage vibrant aux icônes Sonny Terry et Brownie McGhee. Cet enregistrement illustre parfaitement sa démarche : relier les générations, donner une nouvelle vie à un héritage sans jamais le figer. Au fil de ses disques, Poggi révèle aussi une facette pédagogique et presque militante : rappeler que le blues n’est pas seulement une musique de divertissement, mais une culture de résilience et de dignité. Dans un monde saturé de virtuosité démonstrative, il préfère l’épure, la respiration, la justesse émotionnelle.